Exploiter les effets Zeigarnik et Hemingway pour augmenter le transfert
Impact Formation - 22e édition
Temps de lecture : environ 8 minutes
Bonjour et bienvenue dans cette 22e édition de l’infolettre Impact Formation !
Actualités
J’ai ouvert ma “Now Page” : une page sur mon site dédiée à partager ce sur quoi je travaille actuellement, mes projets à venir et quelques réflexions. C’est une idée inspirée de Derek Sivers, qui propose ce type de page comme un complément pratique aux sections “Contact” et “À propos”. Curieux de suivre mon actualité ou de découvrir mes projets en cours ? Vous pouvez visiter cette page régulièrement pour avoir un aperçu direct. Pas besoin de multiplier les messages sur LinkedIn ou d’envahir vos fils d’actualité. Cette page m’aide aussi à rester concentré sur ce qui compte vraiment et à ajuster mes priorités si nécessaire.
Aussi, je vous souhaite d’excellentes fêtes de fin d’année et vous donne rendez-vous en 2025 ! Profitez bien de vos proches. Ces moments comptent plus que tout, même plus que les questions d’impact en formation… c’est dire. 😉
Exploiter les effets Zeigarnik et Hemingway pour augmenter le transfert
Vos formations sont au top. Vraiment. Vous avez conçu un contenu pertinent, mobilisé des méthodes adaptées et stimulé la motivation des apprenants tout au long de la formation… Mais à l’heure de la mise en pratique, les acquis s’évaporent.
Le défi, qui est souvent abordé cette infolettre, est clair : comment s’assurer que les apprenants appliquent réellement ce qu’ils ont appris une fois retournés dans leur quotidien professionnel ?
Un frein majeurs est la difficulté à maintenir l’élan de l’apprentissage, notamment pour des projets complexes à mener ou de nouvelles habitudes à adopter. Trop souvent, le processus s’arrête faute de préparation pour le transfert.
Dans cette édition, découvrons comment les effets Zeigarnik et Hemingway peuvent renforcer cette préparation et, par là-même, maximiser l’impact de vos formations.
Pourquoi la préparation au transfert est essentielle ?
Un apprentissage qui ne se traduit pas en action est une opportunité perdue. C’est également une perte de temps et d’argent pour les organisations.
Transférer ses apprentissages revient à changer de comportement, ce qui demande à la fois préparation et accompagnement. Cette préparation commence avant la formation et doit se poursuivre pendant celle-ci. Le formateur a donc un rôle à jouer afin de ne pas laisser l’apprenant en plan.
La formation n’est pas un événement isolé ; c’est un processus en trois temps : avant, pendant, après.
Les temps dédiés à la formation ne doivent donc pas uniquement viser l’acquisition de connaissances, mais aussi équiper les apprenants pour l’après. Cela doit permettre de favoriser les probabilités que le transfert se produise.
Du contenu supplémentaire ne résout rien
Trop souvent, les formations se terminent abruptement, avec une coupure nette à l’horaire prévu. Les apprenants repartent alors à leur poste de travail avec des idées vagues sur la mise en application de ce qu’ils ont appris.
Bien que les ressources complémentaires soient nombreuses (rappels postformation, modules e-learning additionnels…), elles sont souvent génériques ou mal adaptées, risquant de noyer les apprenants sous un surplus d’informations.
Plus de quelque chose ne conduit pas nécessairement au mieux.
La métaphore du pont
Dans les programmes de certification Kirkpatrick, nous utilisons souvent cette métaphore.
Imaginez que les apprenants se trouvent sur une rive (la formation) et doivent rejoindre l’autre (leur contexte de travail). En l’absence de pont, ils risquent de “se noyer”.
En tant que professionnels de la formation, nous devons créer ces ponts, créant des liens solides entre apprentissage et application concrète. Nous devons nous positionner comme des architectes, des ingénieurs en génie civil.
Tout ce qui crée des liens entre le contexte de la formation et celui des situations de travail réelles doit être promu. Plutôt que des coupures, nous devons favoriser des transitions en douceur et penser, pendant la formation, à ce retour au travail.
Mon approche : utiliser les effets Zeigarnik et Hemingway pour favoriser le transfert
L’effet Zeigarnik et l’effet Hemingway s’appuient sur des mécanismes psychologiques différents, mais complémentaires, pour maintenir engagement et motivation grâce à des éléments laissés “inachevés”.
L’effet Zeigarnik : le pouvoir des tâches inachevées
Cet effet, découvert par la psychologue russe Bluma Zeigarnik, montre que notre cerveau se souvient mieux des tâches incomplètes, car elles créent une tension cognitive qui incite à les finaliser.
Deux idées pour exploiter cet effet afin de favoriser le transfert des apprentissages :
Projets postformation : à la fin d’une formation, proposez aux apprenants de commencer un projet qu’ils devront finaliser après la formation, en lien direct avec leur travail. Par exemple, s’ils ont appris des techniques de gestion du temps, donnez-leur comme tâche de réorganiser une journée type dans leur emploi du temps. En laissant le projet inachevé à la fin de la formation, leur cerveau restera focalisé sur cela, les incitant à revenir à l’action dans les jours suivants pour le compléter.
Auto-évaluations différées : proposez des tâches d’auto-évaluation à la fin de la formation. Par exemple, après une formation en communication, les participants peuvent se fixer des objectifs précis à atteindre dans leur environnement de travail. L’idée est que le sentiment d’inachevé - l’envie de mesurer leurs progrès - les pousse à appliquer les techniques apprises dans leur quotidien.
En laissant une formation ou une tâche inachevée, on pousse les apprenants à continuer à réfléchir et à revenir appliquer ce qu’ils ont appris.
Effet Hemingway : arrêter au sommet de l’élan
Ernest Hemingway, célèbre écrivain, utilisait une méthode simple pour éviter le blocage de l’écrivain : il s’arrêtait toujours d’écrire alors qu’il savait exactement ce qu’il allait écrire ensuite. Il s’assurait ainsi d’interrompre son travail lors d’un “flux créatif” afin de rendre la reprise plus facile et fluide.
Trois idées pour utiliser cet effet afin d’accroître le transfert des apprentissages :
Pauses stratégiques : à la fin de chaque module de formation, arrêtez-vous juste avant de dévoiler les conclusions ou les actions à entreprendre, encourageant ainsi la réflexion post. Par exemple, après une session sur les techniques de négociation, vous pourriez demander aux participants de réfléchir à une négociation à venir et de définir des stratégies, en laissant cette réflexion inachevée à la fin de la session pour les encourager à revenir dessus.
Débriefings “ouverts” : après une simulation ou un jeu de rôle dans une formation, au lieu de conclure immédiatement, encouragez les apprenants à réfléchir à ce qu’ils auraient fait différemment. Arrêter la discussion avant qu’elle ne soit entièrement “résolue” les incite à poursuivre leur réflexion au-delà de la session de formation.
Objectifs partiels : à la fin d’une formation, donnez aux apprenants des objectifs clairs qu’ils doivent atteindre, mais incluez une incertitude sur la méthode ou les étapes finales. Par exemple, après un atelier sur la gestion du stress, demandez-leur de tenir un journal de gestion du stress pendant une semaine, mais laissez la question “Comment évaluer votre progrès ?” incomplète. Ils devront réfléchir par eux-mêmes à des indicateurs ou à des stratégies d’évaluation, augmentant leur engagement dans le processus.
En arrêtant une tâche d’apprentissage juste avant la fin ou dans un moment déterminant, on maintient l’énergie et l’intérêt des apprenants, en leur donnant envie de reprendre rapidement et de concrétiser l’apprentissage dans leur environnement professionnel.
Différences et complémentarité des effets
L’effet Zeigarnik crée une tension cognitive en laissant une tâche inachevée, incitant l’individu à revenir pour la compléter. Cet effet est plus centré sur la mémoire et l’activation mentale.
L’effet Hemingway, quant à lui, agit sur la gestion de l’énergie et du flux, en encourageant à stopper au moment où l’activité est optimale, pour favoriser une reprise facile et fluide. Cet effet est donc plus centré sur la motivation.
En résumé, l’effet Zeigarnik joue sur la tension cognitive (le besoin de “compléter”), tandis que l’effet Hemingway mise sur l’élan et la continuité de la productivité (ne pas perdre le flux). Les deux sont utiles pour stimuler le transfert, mais ils se complètent de manière différente selon la phase de l’apprentissage ou du travail dans lequel on se trouve.
Passez à l’action
Voici quelques étapes concrètes pour appliquer les effets Zeigarnik et Hemingway dans vos formations et favoriser le transfert des acquis :
Analysez vos formations actuelles : identifiez les moments où vous pouvez “laisser des tâches en suspens”, et notamment en fin de formation afin de construire des “ponts” entre la formation et le retour au travail.
Appliquez les effets dans vos formations : inspirez-vous des quelques exemples donnés précédemment et inventez les vôtres.
Combinez les deux effets pour maximiser l’engagement : cela peut consister à “laisser un défi inachevé au sommet de l’élan”. Par exemple, à la fin d’un atelier de négociation, après avoir abordé plusieurs stratégies, arrêtez-vous juste avant la dernière partie de l’exercice, créant ainsi un moment inachevé. Cela encouragera les apprenants à revenir à l’exercice avec l’envie de le finaliser et de mettre en pratique immédiatement ce qu’ils ont appris.
Reformulez vos objectifs finaux : pensez à des objectifs partiels qui demandent un engagement postformation. Par exemple, cela peut consister à découper les comportements attendus en situation de travail en micro-actions.
Testez sur un petit groupe : observez comment l’ajout de défis inachevés influence le niveau de transfert des acquis.
Avec ces ajustements, vos apprenants seront non seulement mieux préparés à appliquer leurs acquis, mais ils auront aussi hâte de le faire. Ces petites interruptions stratégiques pourront accroître l’impact de vos formations.
À bientôt pour une nouvelle édition,
Jonathan
P.S. : si vous avez apprécié cette édition, n’hésitez pas à cliquer sur le cœur et à la partager avec votre entourage professionnel.
Quand vous le souhaiterez, je peux vous aider de trois manières :
Le livre L’évaluation de la formation : qualifié d’utile et pragmatique par les lecteurs des trois premières éditions (plus de 6 000 exemplaires vendus). La quatrième édition, coécrite avec Jean-Luc Gilles, présente une refonte de 80 % du texte.
Programmes de certification : le moyen le plus efficace pour monter en compétences sur l’évaluation de l’impact des formations (Kirkpatrick) ou le transfert des apprentissages (Learning Transfer Designer). Vos formations prendront une nouvelle dimension. Et vous aussi.
Conseil sur demande : le moyen le plus simple et accessible pour avancer sur l’une de vos problématiques. D’autres prestations sont également possibles.
Wow, que de précieuses suggestions ! Infolettre à lire et relire, merci Jonathan.