Concevoir une table des spécifications pour aligner la formation et les objectifs
Impact Formation - 32e édition
Temps de lecture : environ 7 minutes
Bonjour et bienvenue dans cette 32e édition de l’infolettre Impact Formation !
Actualités
La 4e édition du livre L’évaluation de la formation (Dunod), coécrite avec Jean-Luc Gilles, sera disponible le 4 juin 2025. Vous pouvez d’ores et déjà la précommander chez vos libraires préférés ou en ligne (exemples : LaLibrairie.com, leslibraires.fr, Decitre, Amazon). J’ai hâte d’avoir vos retours !
Aussi, je participerai à un webinaire le 16 mai 2025 sur le thème “Le transfert des apprentissages : stratégies de conception efficaces”. Nous y partagerons plusieurs bonnes pratiques pour concevoir des formations réellement impactantes.
Concevoir une table des spécifications pour aligner la formation et les objectifs
Une formation avec des objectifs clairs est une formation dont l’efficacité pourra être plus facilement évaluée, c’est un fait. Mais c’est aussi une formation qui montrera clairement aux apprenants ce qui est attendu d’eux. Cette clarté balisera leur chemin.
Pour vous aider dans ce travail de clarification, il y a un outil très utile : la table des spécifications (TDS). Cet outil est essentiel pour garantir la cohérence entre les objectifs d’apprentissage, les contenus abordés et les méthodes d’évaluation mobilisées. Il sert à poser les bases d’une évaluation juste, structurée et alignée dès le début du processus de conception pédagogique.
Dans cette édition, je vous propose de démystifier la TDS, et surtout, de la remettre à sa juste place : un outil au service de la conception pédagogique, bien plus qu’un casse-tête bureaucratique.
Pourquoi la table des spécifications mérite sa place dès la conception ?
Parce qu’elle oblige à se poser une question essentielle :
Évalue-t-on vraiment ce à quoi l’on prétend former ?
La TDS permet ainsi de vérifier si l’évaluation couvre bien l’ensemble des objectifs visés. Elle garantit également que ces objectifs sont abordés dans les bonnes proportions. Autrement dit, elle agit comme un miroir de la cohérence pédagogique du dispositif. Et plus encore : elle peut prévenir des dérives classiques comme l’évaluation trop théorique d’une formation pratique, ou l’oubli de certains objectifs importants.
Utilisée en amont de la formation, elle devient un outil de dialogue entre concepteurs, formateurs et évaluateurs. Elle clarifie ce que l’on attend des apprenants et aide à la conception d’outils d’évaluation plus justes, plus efficaces… et plus utiles.
En résumé, les TDS sont notamment utiles pour :
Renforcer l’alignement pédagogique (objectifs/activités/évaluation).
Clarifier les attentes pour tous les acteurs, en s’assurant que les bons objectifs sont visés et suffisamment couverts par les contenus et activités pédagogiques prévus.
Flécher le parcours de l’apprenant, en communiquant précisément les livrables attendus afin de le guider l’apprenant. Cette citation illustre bien l’importance de la clarté dans le parcours de l’apprenant :
“Si tu ne sais pas où tu vas, tu risques de mettre du temps pour y arriver.” Proverbe berbère
Les erreurs courantes à éviter
Bien que la TDS soit un outil précieux, elle n’échappe pas à certains malentendus. Voici les pièges les plus fréquents :
La construire après coup : ce qui revient à maquiller un manque de cohérence plutôt qu’à le prévenir. L’évaluation doit structurer l’action de formation en amont et pas être conçue après coup.
La confondre avec un tableau de quiz : elle ne sert pas à aligner des questions, mais à garantir un équilibre entre ce que l’on enseigne, ce que l’on évalue et ce que l’on valorise.
L’utiliser sans la partager : alors que c’est un excellent outil pour discuter du sens de l’évaluation avec les commanditaires ou les autres acteurs de la formation.
Mon approche : une TDS simple, vivante, collaborative et focalisée sur le transfert
J’ai eu l’occasion d’explorer en profondeur les TDS lors de l’écriture avec Jean-Luc Gilles de la 4e édition de L’évaluation de la formation (Dunod). Ce dernier a mené de nombreux travaux avec d’autres collègues ou étudiants sur les TDS.
En en prenant connaissance, j’ai tout de suite compris le potentiel de cet outil. Voici comment je l’intègre depuis à mes projets :
Je commence par identifier les comportements spécifiques que les apprenants doivent adopter après la formation. Ces comportements sont formulés de manière concrète et observable.
Pour chaque comportement, je définis des critères précis qui permettront de vérifier si le comportement visé est atteint.
Je précise les circonstances dans lesquelles le comportement est attendu.
J’identifie les savoirs ou savoir-faire indispensables pour maîtriser le comportement.
Je conçois des questions d’évaluation pour valider les connaissances ou compétences acquises (ce qui peut aussi servir dans le cadre d’un positionnement en amont).
Vous l’aurez compris : une fois de plus, je me focalise sur le transfert des apprentissages afin que la TDS serve avant tout à maximiser l’impact sur les pratiques des apprenants au travail.
Pour illustrer cela, voici un exemple simplifié de table des spécifications pour une formation en management portant sur le feedback :
De chaque comportement visé (niveau 3 de Kirkpatrick) découlent différents éléments, qui permettent :
de favoriser la mise en œuvre de ce comportement, en indiquant clairement aux apprenants et aux autres acteurs ce qui est attendu postformation et dans quel contexte ;
de guider le travail des formateurs et concepteurs pédagogiques, en détaillant les connaissances ou compétences visées ;
de faciliter l’évaluation, en développant une base de questions utiles (sans toutefois se limiter à cette modalité d’évaluation).
Si j’aime utiliser une TDS simple, avec un nombre limité de colonnes, vous pouvez tout à fait l’enrichir avec des colonnes supplémentaires (p. ex., en détaillant les objectifs d’apprentissage visés, les niveaux correspondants de la taxonomie de Bloom, etc.). Vous pouvez consulter d’autres exemples à cette adresse.
Quel que soit le niveau de sophistication de votre TDS, faites-en un tableau vivant, qui évolue avec le dispositif de formation. Elle structurera les choix d’évaluation, elle mettra à jour les oublis, elle rassurera vos parties prenantes.
Passez à l’action
Maintenant que vous comprenez l’importance de la TDS et de son utilisation, voici quelques étapes concrètes pour l’intégrer dans vos projets de manière efficace :
Définissez les comportements attendus : ceux que les apprenants doivent adopter après la formation. Formulez-les de manière concrète et observable.
Déterminez les critères observables et mesurables : et ce, pour chaque comportement, afin de vérifier aisément si le comportement visé est effectivement mis en œuvre.
Décrivez les conditions ou le contexte : précisez les circonstances dans lesquelles le comportement est attendu afin, à nouveau, de faciliter le travail des observateurs ou évaluateurs.
Identifiez les connaissances ou compétences nécessaires : que l’on parle de connaissances, savoirs, capacités, compétences… retenez que ce sont les “ingrédients” nécessaires dont l’apprenant devra se doter en suivant la formation afin de maîtriser le comportement en question.
Formulez des questions d’évaluation : ces questions seront utiles pour évaluer les apprentissages (évaluations formatives ou sommatives) ainsi que la mémorisation des notions dans le temps. Elles seront aussi précieuses pour renforcer les acquis plusieurs semaines après la fin de la formation (logique d’ancrage).
Faites-le à plusieurs : la TDS gagne en clarté et en pertinence lorsqu’elle est discutée avec les différents acteurs de la formation (notamment les formateurs, les concepteurs pédagogiques ou les commanditaires).
Testez-la et ajustez : après une formation pilote, reprenez votre tableau. Ce que vous avez évalué correspond-il vraiment à ce qui était visé ? Le tout est-il équilibré ?
Adopter la TDS, c’est avant tout se doter d’un outil d’alignement. Et bien utilisée, elle ne fait pas perdre du temps : elle en fait gagner, en évitant les erreurs de conception, les incompréhensions et les évaluations hors sujet.
À bientôt pour une nouvelle édition,
Jonathan
P.S. : si vous avez apprécié cette édition, n’hésitez pas à cliquer sur le cœur et à la partager avec votre entourage professionnel.
Quand vous le souhaiterez, je peux vous aider de trois manières :
Le livre L’évaluation de la formation : qualifié d’utile et pragmatique par les lecteurs des trois premières éditions (plus de 6 000 exemplaires vendus). La quatrième édition, coécrite avec Jean-Luc Gilles, présente une refonte de 80 % du texte.
Programmes de certification : le moyen le plus efficace pour monter en compétences sur l’évaluation de l’impact des formations (Kirkpatrick) ou le transfert des apprentissages (Learning Transfer Designer). Vos formations prendront une nouvelle dimension. Et vous aussi.
Conseil sur demande : le moyen le plus simple et accessible pour avancer sur l’une de vos problématiques. D’autres prestations sont également possibles.
J'adore, comme toujours. Et ici particulièrement, parce que, très branché sur les leviers de l'action-learning, je construis et anime mes formations en incluant beaucoup de comportemental. Comportemental individuel, et en sous-groupe, et en groupe entier. Cet article m'éclaire beaucoup sur la façon de consolider cette approche.