Déterminer si la formation est vraiment la bonne solution
Impact Formation - 34e édition
Temps de lecture : environ 7 minutes
Bonjour et bienvenue dans cette 34e édition de l’infolettre Impact Formation !
Actualités
La 4e édition du livre L’évaluation de la formation (Dunod), coécrite avec Jean-Luc Gilles, est disponible depuis le 4 juin 2025. Vous pouvez la commander chez vos libraires préférés ou en ligne (exemples : LaLibrairie.com, leslibraires.fr, Decitre, Amazon, Fnac). J’ai hâte d’avoir vos retours !
Pour rappel : la prochaine session du programme de certification Learning Transfer Designer démarre en septembre 2025. Les inscriptions sont ouvertes.
Déterminer si la formation est vraiment la bonne solution
Le professeur Bernard Galambaud, auteur notamment de l’excellent ouvrage Si la GRH était de la gestion (Liaisons, 2002), ironisait ainsi sur la formation comme solution à tous les maux de l’entreprise :
“Des ouvriers sont démotivés, qu’on les forme ! Des vendeurs vendent moins, qu’on les forme ! Des salariés perdent leur emploi, qu’on les forme !” (Galambaud, 1997, p. 80)
On dirait presque un discours de candidat(e) à l’élection présidentielle française. :-)
C’est bien connu : la formation est la “solution-miracle-en-réponse-à-tous-nos-problèmes”. Non ?
Non.
Les professionnels de la formation en sont généralement convaincus. Leurs clients, internes comme externes, un peu moins.
Dans cette édition, je vous partage une approche permettant de filtrer au mieux ces demandes, de manière à déterminer si derrière la demande du client, il y a vraiment un problème de formation (si problème il y a).
Pourquoi faut-il lutter contre ce réflexe de la solution miraculeuse ?
Parce qu’il nous fait perdre du temps, de l’énergie… et de la crédibilité.
Quand on répond trop vite “formation” à une demande, on risque de concevoir une solution qui ne résout pas le vrai problème. Résultat : peu ou pas d’impact, des apprenants frustrés, et des commanditaires qui doutent de l’efficacité de la formation.
Ce réflexe part souvent d’une bonne intention : celle d’aider rapidement. Mais la précipitation peut nous faire passer à côté du vrai problème. Car former quelqu’un à faire quelque chose qu’il ne peut pas faire pour d’autres raisons, c’est comme donner une boussole à quelqu’un qui est enfermé dans une pièce sans porte.
Prenons un exemple simple : un manager ne donne pas de feedback à son équipe. Est-ce parce qu’il ne sait pas comment faire ? Ou parce qu’il n’a pas le temps ? Ou parce qu’il craint les réactions ? Ou parce que la culture de l’entreprise valorise le silence plutôt que la confrontation ?
Si on ne creuse pas, on risque de concevoir une formation… qui ne changera rien.
C’est pourquoi il est essentiel de passer du réflexe… à la réflexion stratégique. De ralentir pour mieux cibler. De poser les bonnes questions avant de produire des contenus.
En faisant cela, on ne fait pas “moins” de formation. On fait mieux. Et surtout, on affirme et renforce notre position de partenaire stratégique.
Il n’y a pas de “problème” de formation
On entend souvent : “Les équipes ont besoin de formation.” Mais cette formulation mérite d’être questionnée. De quoi a-t-on vraiment “besoin” ?
On a besoin de boire, de manger, de dormir. Ce sont des besoins fondamentaux, sans lesquels on ne peut pas vivre.
La formation, elle, n’est pas un besoin en soi. Ce n’est pas une fin, c’est un moyen. Un moyen parmi d’autres pour répondre à un enjeu de performance, de changement ou d’adaptation.
Ce dont une organisation ou un individu peut réellement avoir besoin, c’est :
d’une compétence pour faire face à une nouvelle situation ;
d’un changement de comportement pour atteindre un objectif ;
d’un accompagnement pour surmonter un obstacle.
Et parfois, la formation est la bonne réponse. Mais parfois, ce n’est pas le cas.
Parler de “besoin de formation” peut nous piéger. Cela nous pousse à chercher des solutions pédagogiques à des problèmes qui relèvent parfois de l’organisation, de la culture, des outils ou du management.
C’est pourquoi il est plus juste de parler de besoin de compétence ou de besoin d’agir différemment, et de se demander ensuite : quelle est la meilleure façon d’y répondre ?
L’approche de Cathy Moore : une carte pour éviter les fausses pistes
Cathy Moore, consultante en formation et autrice du livre Map It, propose une carte de décision simple et puissante (version PDF et version web interactive) pour répondre à cette question. Elle permet de diagnostiquer la cause réelle d’un problème de performance avant de décider si une formation est la bonne réponse.
Voici les grandes étapes de son approche :
Clarifiez l’objectif : quel comportement observable est attendu ?
Identifiez les obstacles : est-ce un problème de motivation, de compétences, de connaissances ou d’environnement ?
Choisissez la bonne solution, selon la cause identifiée :
Si c’est un problème d’environnement (outils, procédures, culture), la formation ne suffira pas.
Si c’est un problème de connaissances simples, un aide-mémoire peut suffire.
Si c’est un problème de compétences, alors une formation avec mise en pratique est pertinente.
Si c’est un problème de motivation, il faut agir sur les leviers d’engagement, pas sur les contenus.
Un exemple concret : éviter une formation inutile
Dans l’un de ses projets, Cathy Moore raconte comment, grâce à quelques questions bien posées, elle a aidé un client à :
Mettre à jour et rendre accessible une information clé au moment où les employés en ont besoin.
Simplifier l’application de certaines règles directement dans le flux de travail.
Résultat ? Ces améliorations ont supprimé le besoin de formation sur ces points. Seule une activité très ciblée a été conçue pour un point précis, diffusée simplement par lien intranet.
Elle explique que sans cette démarche, le client aurait probablement souhaité concevoir un module e-learning classique, avec des objectifs génériques, des rappels de procédures déjà connues, des quiz vite oubliés… pour, au final, aucun changement de comportement.
Grâce à cette approche, tout le monde a gagné du temps, évité une formation inutile, et pu se concentrer sur une activité à forte valeur ajoutée.
Cette carte est un outil précieux pour éviter de “former pour former” et recentrer les efforts sur ce qui aura un réel impact.
Il y a en effet tellement de facteurs à considérer que la formation peut être choisie comme solution de facilité. "Ça ne mange pas de pain", "Ça ne peut pas faire de mal"... certes, mais est-ce que ça fait vraiment du "bien" ?
Au moment où je rédigeais cette édition, je pris connaissance d’un article rédigé par Aude Caussarieu sur le même sujet. J’en ai stoppé la lecture pour ne pas être influencé, le temps de finaliser cette édition. Je l’ai lu depuis et vous invite à faire de même, car il complète très bien cette édition.
Passez à l’action
Voici quelques étapes concrètes pour mobiliser cette approche dans vos projets :
Avant toute conception, posez la question : “Quel comportement observable voulons-nous voir changer ?” Relisez par exemple cette édition pour clarifier cette notion de “comportements”.
Utilisez la carte de Cathy Moore pour explorer les causes possibles du problème. Faites-le avec votre client ou votre commanditaire afin de partager la démarche de questionnement et les conclusions.
Proposez des solutions adaptées : une fiche mémo ? Un changement de procédure ? Un coaching managérial ? Une formation avec simulation ? Etc. Luttez contre la formation comme solution “automatique”.
Documentez votre diagnostic : cela vous aidera à justifier vos choix et à renforcer votre posture de conseil.
Formez vos clients à cette approche : plus ils comprendront la logique, plus vos échanges seront constructifs.
En suivant cette approche, vous gagnerez en pertinence, en crédibilité, et surtout… en impact. Car la formation la plus efficace et la plus efficiente est aussi la formation inutile que l’on ne fait pas.
À bientôt pour une nouvelle édition,
Jonathan
P.S. : si vous avez apprécié cette édition, n’hésitez pas à cliquer sur le cœur et à la partager avec votre entourage professionnel.
Quand vous le souhaiterez, je peux vous aider de cinq manières :
Le livre L’évaluation de la formation : qualifié d’utile et pragmatique par les lecteurs des trois premières éditions (plus de 6 000 exemplaires vendus). La quatrième édition, coécrite avec Jean-Luc Gilles, présente une refonte de 80 % du texte.
Programmes de certification : le moyen le plus efficace pour monter en compétences sur l’évaluation de l’impact des formations (Kirkpatrick) ou le transfert des apprentissages (Learning Transfer Designer). Vos formations prendront une nouvelle dimension. Et vous aussi.
Conseil sur demande : le moyen le plus simple et accessible pour avancer sur l’une de vos problématiques. D’autres prestations sont également possibles.
Parrainage de l’infolettre : vous pouvez soutenir sa diffusion et gagner en visibilité auprès d’un public engagé dans la formation.
Formations numériques : outils collaboratifs (Microsoft 365), cybersécurité, administration systèmes… Sur ces sujets, les experts de l’Académie Agesys vous aideront à adopter les meilleures pratiques.


Il faudrait aussi convaincre les politiques et les pouvoirs publics !
Ils mettent en place de nombreuses formations, notamment pour l'accès au numérique.
C'est un coût énorme dans le budget public qui donne très peu de résultats.
Pour ma part, un domaine que je trouve très utile et trop peu utilisé est l'acculturation.
Un contenu essentiel pour éviter la formation comme panacée.
Je vais me plonger dans la map de Cathy Moore, merci pour ces ressources