Mesurer le transfert des compétences comportementales après formation
Impact Formation - 17e édition
Temps de lecture : environ 7 minutes
Bonjour et bienvenue dans cette 17e édition de l’infolettre Impact Formation !
À la suite du sondage proposé dans le cadre de la 14e édition, l’infolettre est désormais envoyée à une fréquence bimensuelle (soit toutes les deux semaines). Il aurait été malvenu que je ne tienne pas compte des résultats de cette “évaluation”. :-)
Peut-être que cela changera encore à l’avenir, mais dans l’attente, partons sur cette nouvelle fréquence d’envoi, soit un lundi sur deux.
Actualités
Nous avons publié un nouvel épisode du podcast, avec comme invitée Célia Alessandri. Nous y parlons principalement de gestion des connaissances (ou Knowledge Management - KM), une pratique visant à mieux organiser et partager le savoir au sein des entreprises, et de sa complémentarité avec la formation. Je suis intimement convaincu que le KM est une compétence essentielle à développer pour les professionnels de la formation.
Mesurer le transfert des compétences comportementales après formation
C’est une question fréquente lors de mes conférences sur le sujet de l’évaluation des formations : comment évaluer les formations qui portent sur des compétences comportementales ?
Cette réflexion vaut aussi pour les Soft Skills, les compétences managériales, celles relatives à l’efficacité personnelle… bref, toutes les compétences “non techniques”.
Après quelques explications sur les principes d’évaluation, il devient plus facile pour mes interlocuteurs d’imaginer comment évaluer des formations “techniques”, où les compétences sont très observables (ex. : utiliser les fonctionnalités d’un logiciel).
Mais qu’en est-il des formations portant sur le leadership, l’empathie, la bienveillance, la communication non violente, le management participatif, etc. ?
Et leur question concerne principalement le transfert des acquis (niveau 3 du modèle Kirkpatrick) : comment mesurer le transfert effectif des compétences comportementales après formation ?
Dans cette édition, nous allons voir comment procéder, en sachant que ces formations ne sont pas si différentes des autres quand il s’agit d’évaluation.
Pourquoi est-il nécessaire de s’assurer du transfert de ces compétences en particulier ?
Nous ne pouvons pas faire l’économie de l’évaluation des formations portant sur ces types de compétences. Cela varie d’une entreprise à l’autre, d’un secteur d’activité à l’autre, mais ces formations représentent bien souvent une part significative du budget de formation.
Ces compétences, bien qu’utiles pour les collaborateurs et l’entreprise, sont souvent les premières victimes des coupes budgétaires, faute de démonstration claire de leur impact. En effet, à défaut de faire la démonstration de leur valeur ajoutée réelle, les directions peuvent y voir des gisements d’économies potentielles à réaliser, les considérant comme des dépenses superflues plutôt que comme des investissements stratégiques.
On se concentrera alors sur les formations “cœur de métier”, celles nécessaires pour faire le job. Et tant pis pour les autres.
Les formations visant ces compétences sont aussi peu évaluées que les autres
Las, sur le terrain, force est de constater que ces formations bénéficient rarement d’un “traitement de faveur”. Elles sont donc aussi peu ou aussi mal évaluées que les autres.
Les évaluations portent bien souvent uniquement sur les niveaux 1 et 2 de Kirkpatrick (la réaction des apprenants et leur apprentissage), sans porter une grande attention à ce qui se passe ensuite sur le terrain.
Au mieux, on garde alors un bon souvenir de la formation, avec quelques souvenirs quant aux bonnes pratiques à mettre en œuvre le moment venu… ou pas. Parfois, quand le moment de mobiliser ces compétences arrive, plusieurs mois après la formation, il est difficile de se remémorer spontanément ce qu’il faut faire.
L’impact réel de ces formations reste donc flou, et les décideurs n’ont pas assez d’éléments pour justifier leur maintien dans des contextes de réduction de coûts.
Mon approche : des comportements observables et mesurables
Pour surmonter ces limites, il est essentiel de passer d’une évaluation approximative et partielle à une évaluation basée sur des comportements observables et mesurables.
Prenons l’exemple d’une formation sur l’empathie : comment savoir si elle a réellement porté ses fruits ? La clé est de décrire précisément ce que l’on attend d’une personne empathique. Quelles actions spécifiques devrait-elle réaliser de mieux, de plus ou de moins ? Ces comportements doivent être formulés de manière concrète et observable.
Exemples de comportements possibles d’un manager “empathique” :
Le manager consacre du temps à écouter ses collaborateurs sans les interrompre, en prenant des notes ou en reformulant pour s’assurer qu’il a bien compris leur point de vue.
Lors des échanges, il reconnaît et valide les émotions de son interlocuteur (par ex. “Je comprends que cela te frustre, voyons ensemble comment on peut améliorer ça”).
Lorsqu’il doit donner un retour sur un travail ou un comportement, il s’efforce de le faire de manière bienveillante, en soulignant les aspects positifs avant de proposer des améliorations.
Un test simple que j’utilise souvent, et qui est notamment préconisé par les Kirkpatrick, est le “test de la caméra” : pourrions-nous enregistrer ce comportement sur une vidéo et être en mesure d’observer ce qui se passe ? Imaginez que vous filmiez une personne en situation professionnelle, après qu’elle ait suivi une formation sur l’empathie. Vous montrez ensuite cette vidéo à quelqu’un qui n’a pas suivi la formation. Est-il capable de voir des comportements distincts, qui démontrent l’application des acquis de la formation ? Si la réponse est oui, vous êtes sur la bonne voie. Les comportements que vous avez identifiés sont non seulement observables, mais aussi suffisamment clairs pour être mesurés plus objectivement (via des questionnaires, des grilles d’observation, etc.).
Cette approche ne prétend pas capturer l’intégralité des changements induits par la formation. Certaines évolutions resteront forcément plus subtiles, intangibles. C’est tout à fait normal ! L’important est de se concentrer sur quelques comportements clés, ceux qui ont le plus d’impact et qui sont les plus pertinents pour les objectifs de l’entreprise. Si vous pouvez observer et mesurer ces quelques comportements chez 100 % des apprenants, vous aurez atteint un résultat significatif.
La définition de ces comportements est évidemment plus facile dans le cadre de sessions de formation intraentreprises, où tous les apprenants agissent dans des contextes proches, si pas similaires.
Dans le cadre de sessions de formations interentreprises, avec une plus grande diversité de profils d’apprenants et de contextes d’application, il sera plus pertinent que l’apprenant définisse un plan d’action personnalisé, idéalement avec l’aide du formateur et du groupe, et ce, afin de préciser les comportements ou actions qu’il va mettre en œuvre à la suite de sa formation. Dans ce cas, il pourra utilement s’inspirer de la méthode de l’intention de mise en œuvre.
Passez à l’action
Pour mesurer efficacement le transfert des compétences comportementales (et autres Soft Skills), suivez ces quelques étapes :
Identifiez les comportements clés à observer : lors de la conception de la formation, définissez 3 ou 4 comportements précis que vous souhaitez que les participants mettent en œuvre après la formation (ex. : écouter activement en prenant des notes, poser des questions ouvertes). Ces comportements doivent être observables et mesurables.
Utilisez le “test de la caméra” : imaginez que vous filmiez un apprenant en situation de travail. Les comportements définis sont-ils suffisamment explicites pour être repérés par un observateur extérieur ? Si ce n’est pas le cas, ajustez-les pour les rendre plus concrets et observables.
Utilisez l’intention de mise en œuvre : pour des formations interentreprises, encouragez les participants à définir un plan d’action personnalisé. Ce plan précisera les comportements qu’ils mettront en pratique, renforçant ainsi l’engagement postformation.
Mesurez concrètement le transfert : et idéalement, en combinant plusieurs méthodes. Utilisez par exemple des questionnaires d’évaluation à destination des apprenants eux-mêmes et des managers (dans l’esprit du dispositif “505”), des grilles d’observation pour faire du renforcement sur le terrain (par ex. avec d’autres collègues formés), des retours d’expérience recueillis directement sur le terrain (par ex. à l’occasion de sessions de suivi supervisées par le formateur), etc.
En appliquant ces étapes, vous serez en mesure de prouver la valeur ajoutée des formations visant à développer des compétences “non techniques” et de renforcer leur impact sur le terrain.
À bientôt pour une nouvelle édition,
Jonathan
P.S. : si vous avez apprécié cette édition, n’hésitez pas à cliquer sur le cœur et à la partager avec votre entourage professionnel.
Quand vous le souhaiterez, je peux vous aider de trois manières :
Mon livre L’évaluation de la formation : qualifié d’utile et pragmatique par ses lecteurs.
Programmes de certification Kirkpatrick : le moyen le plus efficace pour monter en compétences sur le sujet de l’évaluation. Vos formations prendront une nouvelle dimension. Et vous aussi.
Conseil sur demande : le moyen le plus simple et accessible pour avancer sur l’une de vos problématiques. D’autres prestations sont également possibles.
Merci pour ces éclaircissements, ces pistes qui me permettent de réajuster mon approche.