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Bonjour et bienvenue dans cette 35e édition de l’infolettre Impact Formation !
Actualités
Le 23e épisode de notre podcast Retour sur les attentes est disponible ! Nous n’en avions pas enregistré depuis plus de trois mois, il était temps… Nous recevons comme invitée Élodie Arnaud Cavigioli, initiatrice, entre autres choses, de la communauté PairForma.
Également, deux rappels :
La 4e édition du livre L’évaluation de la formation (Dunod), coécrite avec Jean-Luc Gilles, est disponible depuis le 4 juin 2025. Vous pouvez la commander chez vos libraires préférés ou en ligne (exemples : LaLibrairie.com, leslibraires.fr, Decitre, Amazon, Fnac). J’ai hâte d’avoir vos retours !
La prochaine session du programme de certification Learning Transfer Designer démarre en septembre 2025. Les inscriptions sont ouvertes.
Aligner la formation sur l’action
Dans le monde de la formation, il est courant de recevoir une demande du type :
“Il faudrait une formation sur [insérer ici le sujet technique ou comportemental de votre choix]”.
Et souvent, sans trop de remise en question, on passe directement en mode production : analyse, conception, développement… avec ou sans modèle ADDIE. Le tout avec de bonnes intentions, bien sûr.
Mais une question essentielle est trop souvent négligée : cette formation va-t-elle réellement changer quelque chose ? Va-t-elle permettre aux apprenants d’agir différemment, de manière plus efficace, plus conforme aux attentes métier ? Ou va-t-elle simplement leur transmettre des informations qu’ils oublieront dès le lendemain ?
Autrement dit, nous avons parfois tendance à nous jeter sur les moyens à mettre en œuvre, en oubliant de questionner les résultats attendus.
Ainsi, avant de concevoir, il est d’abord nécessaire de clarifier ce que l’on cherche à obtenir comme changement concret. Comment s’y prendre ? C’est l’objet de cette nouvelle édition.
Pourquoi considérer la formation comme une occasion de changement ?
Créer une formation, ce n’est pas juste cocher une case dans un plan de développement des compétences. C’est un investissement en temps, en énergie, en budget. Et comme tout investissement, il doit produire un retour mesurable.
Or, dans la réalité, beaucoup de formations échouent à produire un impact tangible. Pourquoi ? Parce qu’elles sont souvent conçues à partir du contenu à transmettre, et non à partir des actions à transformer. On se concentre sur ce que les gens doivent savoir, au lieu de se demander ce qu’ils doivent faire différemment.
Résultat : des modules bien présentés, mais peu engageants. Des apprenants qui survolent les contenus sans les intégrer. Et surtout, aucun changement observable dans les pratiques professionnelles.
Florilège de pièges classiques
Voici quelques pièges dans lesquels il est facile de tomber lorsque l’on conçoit une formation :
Confondre besoin de formation et besoin de performance : parfois, le problème n’est pas un manque de compétences, mais un manque de clarté, de ressources, de motivation, etc.
Se focaliser sur le contenu : on commence par compiler des diapositives, des vidéos, des documents… sans se demander si cela aidera vraiment les apprenants à mieux agir.
Oublier l’objectif métier : on conçoit une formation “sur la communication” ou “sur la sécurité”, sans définir ce que cela doit changer concrètement dans le quotidien des apprenants.
Créer des activités passives : quiz de validation, vidéos à regarder, textes à lire… mais peu d’occasions de pratiquer, de se tromper, de progresser.
Ces erreurs sont compréhensibles : elles viennent souvent d’une pression à produire vite, ou d’une culture de la formation centrée sur le savoir. Mais elles limitent fortement l’impact de nos actions.
L’approche de Cathy Moore : l’Action Mapping
Cathy Moore, déjà évoquée dans la précédente édition de cette infolettre, propose une alternative claire et structurée : l’Action Mapping. C’est une méthode visuelle et intuitive pour concevoir une formation à partir des actions à accomplir, et non du contenu à transmettre.
Deux éditions successives consacrées à Cathy Moore ? Absolument ! Ses travaux méritent d’être connus et diffusés d’autant que beaucoup de personnes ne les connaissent pas encore.
Voici les quatre étapes clés de cette approche, accompagnées de questions concrètes pour guider votre réflexion.
Étape 1 - Identifier un objectif métier clair
Question 1 : quel problème cherchons-nous à résoudre ?
Commencez toujours par le but. Quelle transformation attend-on chez les apprenants ? Que doivent-ils faire différemment après la formation ? L’objectif doit être mesurable, concret et directement lié à la performance de l’organisation.
Il ne s’agit pas de dire “les collaborateurs doivent mieux connaître la procédure”, mais plutôt de viser un objectif comme : “réduire les erreurs de saisie de 30 % d’ici la fin du trimestre”.
Demandez-vous : que ne font-ils pas aujourd’hui qu’ils devraient faire demain ?
Étape 2 - Lister les actions à réaliser sur le terrain
Question 2 : quelles actions sont essentielles pour atteindre ce but ?
Identifiez les comportements observables que les apprenants doivent adopter pour atteindre l’objectif. Travaillez avec les experts métier pour définir les actions, pas le contenu.
Ces actions doivent être spécifiques, concrètes et directement liées à la performance attendue. (p. ex., “vérifier les données avant validation”).
Identifiez aussi les obstacles à ces actions : qu’est-ce qui empêche aujourd’hui les apprenants d’agir comme attendu ? Est-ce un manque de compétences ? Un manque de motivation ? Des freins organisationnels ?
Exemples d’obstacles :
Processus trop complexe
Outils mal maîtrisés
Croyances limitantes
Absence de feedback
Cette étape permet de valider que la formation est bien la solution, ou d’identifier d’autres leviers à activer (communication, simplification, accompagnement, etc.).
Étape 3 - Concevoir des activités qui entraînent aux bonnes actions
Question 3 : comment entraîner les apprenants à ces actions ?
Créez des activités pratiques qui permettent aux apprenants de s’exercer dans un contexte proche du réel. La pratique active prend ici tout son sens : elle favorise l’engagement, la mémorisation et le transfert.
Privilégiez aussi des méthodes actives les jeux de rôle, les simulations interactives, les études de cas ou les scénarios ramifiés. Celles-ci permettent aux apprenants de tester leurs décisions, de se tromper sans risque, et de recevoir un feedback immédiat.
L’objectif n’est pas de transmettre un maximum d’informations, mais de leur faire pratiquer les bons gestes, dans un cadre sécurisé et réaliste.
Étape 4 - Sélectionner les contenus vraiment nécessaires
Question 4 : quels contenus sont vraiment nécessaires ?
Une fois les actions définies, identifiez les contenus strictement nécessaires pour les soutenir. Il ne s’agit pas de tout expliquer, mais de fournir juste ce qu’il faut, au bon moment.
Par exemple, si l’action consiste à “conduire un entretien de médiation”, le contenu utile pourrait être : les étapes d’un entretien, les techniques d’écoute active, ou les erreurs à éviter.
L’action doit guider le contenu, et non l’inverse. Cela implique de renoncer à l’exhaustivité pour favoriser la clarté, la pertinence et l’efficacité.
Privilégiez donc la pratique à la théorie, et intégrez les contenus dans les activités elles-mêmes, plutôt que dans des modules séparés.
Cette approche évite de produire des formations inutiles, et recentre la conception sur ce qui compte vraiment : le changement de comportement au service d’un objectif métier.
Si vous souhaitez en savoir plus sur cette approche, je vous recommande la lecture de cet article.
Passez à l’action
Voici comment mettre en œuvre concrètement cette démarche dans vos projets de formation :
Reformulez les demandes de formation en objectifs métier : remplacez “une formation sur…” par “un résultat mesurable à atteindre”. Cela change immédiatement la posture de départ.
Animez un atelier rapide avec les parties prenantes pour identifier les actions clés à développer : en 30 minutes, vous pouvez déjà faire émerger des leviers concrets.
Utilisez un support visuel simple pour cartographier les actions, les obstacles et les idées d’activités : il peut s’agit d’un tableau blanc, d’une carte mentale, d’un outil collaboratif, etc. Cela facilite l’alignement et la coconstruction.
Développez un prototype d’une activité réaliste dès les premières étapes du projet : cela permet de tester l’approche et de montrer rapidement la valeur ajoutée d’une formation centrée sur l’action.
Revenez régulièrement à la cartographie des actions tout au long du projet : elle devient un fil rouge pour garder le cap sur l’impact, et non sur l’accumulation de contenu.
En adoptant cette posture, vous renforcez votre rôle de concepteur de formations à impact, capable de relier apprentissage et performance. Vous serez un partenaire de transformation, et non un simple fournisseur de modules de formation.
À bientôt pour une nouvelle édition,
Jonathan
P.S. : si vous avez apprécié cette édition, n’hésitez pas à cliquer sur le cœur et à la partager avec votre entourage professionnel.
Quand vous le souhaiterez, je peux vous aider de trois manières :
Le livre L’évaluation de la formation : qualifié d’utile et pragmatique par les lecteurs des trois premières éditions (plus de 6 000 exemplaires vendus). La quatrième édition, coécrite avec Jean-Luc Gilles, présente une refonte de 80 % du texte.
Programmes de certification : le moyen le plus efficace pour monter en compétences sur l’évaluation de l’impact des formations (Kirkpatrick) ou le transfert des apprentissages (Learning Transfer Designer). Vos formations prendront une nouvelle dimension. Et vous aussi.
Conseil sur demande : le moyen le plus simple et accessible pour avancer sur l’une de vos problématiques. D’autres prestations sont également possibles.