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Bonjour et bienvenue dans cette 18e édition de l’infolettre Impact Formation !
Actualités
J’ai eu le plaisir d’animer une conférence en ligne le 24/09/2024 pour Emfor et Akto, sur le thème : “Les enjeux de la démarche d’évaluation”. Cette conférence, enregistrée et librement accessible en ligne, dure près de deux heures. Vous en aurez pour votre argent.
J’ai également eu le plaisir d’être interviewé par Delphine Moncorgé pour son podcast “Skill me up”, sur le thème “Mesurer l’impact des formations”. Nous avons abordé l’évaluation des formations, les pratiques pour améliorer le transfert des acquis, et bien plus encore.
Sinon, je travaille sur plusieurs projets d’écriture, notamment la mise à jour de mon chapitre sur l’évaluation pour la 4e édition du Grand Livre de la Formation, ainsi que la 4e édition de mon propre ouvrage L’évaluation de la formation…
Superposer les habitudes pour favoriser le transfert
Après une formation, les apprenants reviennent souvent avec l’intention de mettre en pratique ce qu’ils ont appris. Pourtant, entre l’intention et l’action, il y a souvent un fossé.
Ainsi, dans la réalité, beaucoup n’arrivent pas à mettre en œuvre de façon durable les acquis de leur formation. Ils ont ainsi du mal à intégrer ces nouveaux comportements dans leur routine quotidienne, où les comportements existants prennent le dessus, et où le temps et l’énergie manquent pour amorcer ce changement et s’y tenir.
Dans la 14e édition, nous avons vu en quoi consistait le pouvoir de l’intention de mise en œuvre pour favoriser le transfert des acquis de la formation.
Dans cette nouvelle édition, nous allons voir comment aller plus loin en associant des comportements à d’autres déjà en place.
Pourquoi notre travail ne s’arrête pas à la fin de la formation ?
Je le répète très fréquemment : le succès (comme l’échec) d’une formation est à responsabilité partagée. Il n’est donc pas de la seule responsabilité des acteurs de la formation, et l’apprenant lui-même en est le premier responsable.
Mais encore faudrait-il l’aider et le guider pour passer à l’action. Et là, différents acteurs ont un rôle à jouer : formateurs, managers, pairs, etc.
Focalisons-nous sur les formateurs : comment définissent-ils leur rôle ? Considèrent-ils que leur travail est terminé…
Une fois que “la cloche a sonné” (par ex. à 17 h pour une formation présentielle) ?
Ou une fois la montée en compétences de l’apprenant démontrée sur le terrain ?
Cela change beaucoup de choses. Bien sûr, ils ne sont pas seuls à porter la responsabilité de cette montée en compétences : ils la partagent.
Leurs clients (et notamment les responsables formation) doivent aussi intégrer cela et exiger de leurs prestataires de préparer au mieux les apprenants au retour à leur poste de travail. Et payer pour cela, cela va de soi…
Sans un accompagnement adéquat, le transfert des acquis reste limité. Selon Robert Brinkerhoff, seulement 15 % des apprenants, en moyenne, appliquent réellement ce qu’ils ont appris. Cela montre l’importance d’un cadre de mise en œuvre structuré.
Le manque d’accompagnement et de cadre pour la mise en œuvre des acquis
J’en ai déjà parlé dans plusieurs éditions, et notamment la 14e, mais si nous voulons que les apprenants transfèrent leurs acquis, le processus doit être enclenché pendant la formation (et même avant, en réalité, par exemple via un “505”).
Classiquement, certains prestataires de formation peuvent proposer de faire des rappels ou des encouragements après la formation, de fournir des ressources complémentaires… mais bien souvent, il est trop tard.
Si l’apprenant ne modifie pas rapidement ses comportements, aucun miracle ne se produira. Ce n’est effectivement pas des semaines ou des mois après la fin de la formation qu’il se dirait :
“Ah oui, c’est vrai ! Il a bien fait de me rappeler par e-mail que je devais mettre en application ce que j’ai appris…”
L’apprenant doit donc être prêt dès la fin de sa formation, afin de savoir exactement quoi faire (quels comportements ?), comment le faire et… quand le faire.
En effet, pour maximiser le transfert des acquis, le moment où un nouveau comportement est mis en œuvre est déterminant. C’est ici que la superposition des habitudes intervient.
Mon approche : la superposition des comportements comme levier du transfert
Une méthode efficace pour favoriser le transfert des compétences est d’utiliser la méthode de la “superposition des habitudes” (Habit Stacking).
Inspirée des principes développés notamment par James Clear dans son ouvrage Un rien peut tout changer (Atomic Habits en anglais), elle consiste à ancrer les habitudes ou comportements en les associant à des actions que les apprenants accomplissent déjà chaque jour dans leur environnement de travail.
Prenons un exemple personnel de ma routine matinale (du lundi au vendredi) :
Me lever
Boire un grand verre d’eau
Allumer la cafetière
Prendre mes vitamines
Préparer celles de mes enfants
Servir mon café
Préparer celui de ma femme
Lire quelques pages de mon livre du moment
M’installer devant mon PC
Faire un tour sur LinkedIn (20 min. max.)
Activer le mode “Concentration” à 9 h pour un travail profond de deux heures
Cette séquence est systématique, et si une habitude venait à manquer, je m’en rendrais rapidement compte…
Il est donc impossible que j’en manque une. Il est impossible que je sacrifie mon début de journée à “scroller” indéfiniment sur je-ne-sais-quel-réseau-social. Mais vous vous doutez bien que cette séquence ne s’est pas construite en un jour. Par exemple, pour faire rimer “lecture” avec “café”, j’ai pris le soin de disposer mon livre du moment sur la petite table de salon, là où je prends mon café le matin (et en veillant à mettre mon smartphone loin de moi).
James Clear parle d’habitudes, mais concrètement, dans le cadre de la formation, on pourrait aussi parler de comportements, soit d’actions ou de pratiques régulières, souvent quotidiennes.
Comment cela pourrait-il s’appliquer dans un contexte professionnel ? Quelques exemples pour illustrer cela :
Après avoir terminé une réunion quotidienne, un manager pourrait réaliser un débriefing rapide en utilisant un modèle de communication efficace appris en formation.
Après avoir passé un appel téléphonique, un commercial pourrait rédiger une note d’opportunité dans son logiciel de gestion de la relation client (Customer Relationship Management - CRM).
Après avoir vérifié ses e-mails chaque matin, un employé pourrait mettre en pratique une technique de priorisation apprise pour gérer sa charge de travail.
Après chaque interaction avec un client, un agent de service pourrait appliquer une technique de reformulation apprise pour s’assurer d’avoir bien compris la demande.
Ce processus permet d’intégrer progressivement les acquis de la formation sans bouleverser la routine de travail existante.
En liant un comportement appris à une habitude déjà bien ancrée, l’apprenant est plus susceptible de répéter le nouveau comportement de manière automatique, favorisant ainsi un transfert efficace et durable.
C’est une version positive de l’effet Diderot, où un changement en entraîne naturellement d’autres, renforçant ainsi les compétences acquises.
Passez à l’action
Pour aider les apprenants à superposer de nouveaux comportements à leurs habitudes existantes, suivez ces quelques étapes :
Identifiez les comportements clés à observer : lors de la conception de la formation, définissez 3 ou 4 comportements précis, observables et mesurables, que les apprenants doivent pouvoir mettre en œuvre après la formation. Cela fonctionne très bien pour les sessions intraentreprises, car les comportements visés sont souvent communs au groupe. Pour les sessions interentreprises, il sera plus opportun d’aider les apprenants à formaliser leur plan d’action, en se focalisant sur l’intention de mise en œuvre.
Identifiez les habitudes professionnelles existantes des apprenants : avant la fin de la formation, encouragez les apprenants à lister les habitudes professionnelles déjà bien ancrées dans leur quotidien. Cela peut inclure des tâches répétitives comme la gestion des e-mails, les réunions récurrentes ou l’organisation de leur journée de travail.
Suggérez des associations pertinentes entre les comportements à mettre en œuvre et leurs habitudes actuelles : aidez les apprenants à lier chaque nouveau comportement à une habitude déjà présente. Cette approche facilite l’intégration naturelle des nouveaux comportements dans leur routine. Ces associations peuvent nourrir une base croissante d’exemples qui vous servira de matière à réflexion au fil des formations d’un même thème.
Renforcez cette superposition à travers des rappels postformation : comme pour l’intention de mise en œuvre, planifiez des points de suivi ou envoyez des rappels réguliers, mais cette fois en invitant les apprenants à réfléchir à la manière dont ils associent leurs nouveaux comportements à leurs habitudes. Un simple e-mail tel que : “Quels nouveaux comportements avez-vous associés à une tâche quotidienne cette semaine ?” peut suffire.
Organisez des sessions de retour sur les superpositions : lors des revues de mise en œuvre, ajoutez une dimension supplémentaire en demandant aux apprenants de partager comment ils ont réussi à superposer leurs nouveaux comportements aux habitudes existantes. Ce partage d’expériences permet non seulement d’apprendre les uns des autres, mais aussi de renforcer l’ancrage des nouveaux comportements.
En appliquant cette approche de la superposition des habitudes, vous créerez un cadre propice au transfert durable des acquis de la formation, permettant aux apprenants de les solidifier dans leur quotidien professionnel.
À bientôt pour une nouvelle édition,
Jonathan
P.S. : si vous avez apprécié cette édition, n’hésitez pas à cliquer sur le cœur et à la partager avec votre entourage professionnel.
Quand vous le souhaiterez, je peux vous aider de trois manières :
Mon livre L’évaluation de la formation : qualifié d’utile et pragmatique par ses lecteurs.
Programmes de certification Kirkpatrick : le moyen le plus efficace pour monter en compétences sur le sujet de l’évaluation. Vos formations prendront une nouvelle dimension. Et vous aussi.
Conseil sur demande : le moyen le plus simple et accessible pour avancer sur l’une de vos problématiques. D’autres prestations sont également possibles.
Merci beaucoup pour cette clé comportementale, qui va bien m'aider pour mes formations à venir.
En effet, cela fait longtemps que je constate le pouvoir d'inertie du "back to normal" après une formation, quelle que soit la qualité et la valeur ajoutée perçue de celle-ci par les apprenants.